Niagara ou le Conte de Noël
Adopter un chien d'ici ou d'ailleurs...
Dans le cadre de mon métier, j'ai la chance de faire chaque semaine de belles rencontres. Certaines histoires me touchent plus que d'autres et peuvent apporter un témoignage qui peut intéresser certains d'entre vous.
Avec l'accord d'Hélène (et j'espère de Niagara), je veux vous parler de ce binôme qui s'est rencontré dans les circonstances dignes d'un dessin animée de Walt Disney.
En novembre 2018, Hélène part en vacances sur l'île de la Réunion. Lors de leurs balades, elle rencontre un chien, seul, vivant au pied d'une cascade. Il semblait se nourrir des déchets des touristes et de chasse. Il était très maigre, sale, plein de tiques et de puces. Des autochtones lui apprennent que ce chien vivait avant avec un groupe de chiens errants mais que celui-ci a été ramassé par la fourrière.
La vie est faite de rencontres...Un lien fort se tisse entre Hélène et celui qu'elle a nommé Niagara. Mais la fin des vacances approche et Hélène ne se voit plus vivre sans lui à ses côtés. Mika, son beau-frère, habitant sur l'île, l'héberge avec l'aide de ses parents pendant deux mois en attendant son rapatriement, une première étape pour Niagara qui vivra pour la première fois une vie de famille en compagnie de deux autres chiens. Puis, avec l'aide de l'association APPAR (Association Pour la Protection des Animaux Réunionnais) Hélène organise la venue de Niagara en Métropole et il débarque en Moselle en février 2019 !
Jusque là l'histoire est idyllique mais...vous vous doutez bien que si je suis au courant de cette belle histoire, c'est que la suite de leurs aventures ne se déroulent pas comme l'espérait Hélène. Celle ci me contacte début juin parce que Niagara montre un comportement agressif face à certains chiens (ils se sont fait attaquer tous les 2 un soir par un chien dans le quartier). Celui-ci trouve toujours le moyen d'aller se promener tout seul en fuguant du jardin et n'accepte pas facilement que des étrangers rentrent à leur domicile.
Si je sortais un chien de la misère et que son comportement entraine des conséquences gênantes dans mon quotidien, j'aurai envie de lui dire : "Mais quelle ingratitude ! Tu as tout ce dont tu as besoin, tu es nourri (avec des petits plats maison en plus !), promené, logé, choyé, tu as un jardin, des gens qui t'aiment autour de toi, et tu me poses des problèmes ??" Je ne sais pas si Hélène a pensé cela mais elle ne s'attendait pas à ce comportement tellement différent de la Réunion. De quoi douter sur le bien fondé de l'avoir ramené en France non ? Niagara côtoyait régulièrement des chiens avec qui tout se passait bien et avait a priori un rapport amical avec les humains.
Que se passe t'il alors dans la tête de Niagara ?
On va tenter de se mettre à sa place. Niagara en tant que chien errant a appris à gérer son environnement tout seul, du repas à l'interaction avec les autres, en passant par son lieu de vie, de couchage. En tant que chien libre, sans clôture, sans laisse, sans portail ou porte, il était libre de ses choix, de sa volonté à aller vers un congénère ou à l'éviter. On peut imaginer qu'il vivait avec comme premier objectif de se trouver à manger et ensuite d'éviter la douleur et donc les conflits. Survivre et s'adapter continuellement à son environnement avec son libre-arbitre et ses expériences sociales.
Lorsque Niagara arrive en France, il ne sait pas jouer avec un jouet, il n'est pas très enclin à coopérer dans les apprentissages, même avec de la nourriture. Il ne sait pas marcher attaché à quelqu'un, lui qui à l'habitude de gérer ses propres déplacements. Je me rappelle de la première fois que j'ai souhaité montrer à Hélène comment le motiver lors des entrainements éducatifs, j'avais l'impression qu'il me disait : "mais pourquoi veux tu que je me lève ? Je suis bien couché, là maintenant et je ne vois pas de raison valable, même avec ton bonbon, de me lever".
Lors des promenades, il subit l'agression de chiens derrière les clôtures des jardins alors que lui même est attaché et ne peut donc les éviter. Il subit même une agression d'un chien sans humain dans la rue avec Hélène. Il voit des gens passer derrière la clôture du jardin, des chiens. Il ne contrôle plus son environnement. Il n'a plus besoin de chercher à manger. Il n'a plus rien à faire. Alors il contrôle comme il peut : par un comportement agressif très marqué puisqu'il est attaché dans la rue, par des fugues afin de pouvoir retrouver sa liberté de mouvement, par la défense de son espace restreint (par rapport à la Réunion) à son domicile devenu le "bien" à surveiller dans ce lieu de vie si stressant.
Notre dernière séance avec Hélène et Niagara a eu lieu en septembre. Niagara s'adapte de mieux en mieux à ce nouvel environnement, Hélène a appris à mieux le connaitre et à respecter ses choix, même lorsqu'il est en laisse. Il a appris à jouer comme les chiens de famille et que le clicker, c'était quand même sympa ! Il continue de temps en temps à fuguer et revient tout seul à la maison. Son niveau de stress a baissé parce que ses choix étaient respectés, parce qu'Hélène lui propose de grandes balades dans les champs, parce qu'il a fallu le temps de s'adapter à cette vie si différente.
Le chien a une capacité d'adaptation tellement exceptionnelle ! En rencontrant Niagara, je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'il avait eu, dans sa vie de chien errant, la possibilité d'apprendre par lui-même (même si les conditions de vie ne sont pas idéales évidemment) alors que nous contrôlons tellement tout dans la vie de nos chiens de famille.
Ma deuxième pensée a été également pour tous les chiens adoptés avec un passé plus ou moins flou. Laissez leur du temps, donnez leur du temps pour s'adapter, prendre des repères dans cette nouvelle vie. Il faut parfois plusieurs mois... Apprenez à vous connaitre, à vous lier et à vous faire confiance.
Belle route à vous deux !
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